Je fais partie de ces immortels à qui les vingt-deux Arcanes ne conviennent pas. Un orphelin, d’après les adoptés, comme si les non-alignés que nous sommes étions déboussolés. J’ai pu discuter directement avec plusieurs Princes, j’ai parfois poussé le vice jusqu’à me laisser initier, mais ça n’a jamais fonctionné avec moi. La tête dans les étoiles ou le Pentacle coincé dans un animal, très peu pour moi. L’Agartha générique, en version prémâchée ? Non merci. J’ai l’impression que ces gens veulent obtenir des instructions pour atteindre l’illumination en dix étapes faciles, un peu comme ces touristes qui tiennent absolument à planifier leur séjour dans les moindres détails sans laisser de place à l’improvisation. À mes yeux, rejoindre les rangs d’un Arcane Majeur, c’est aussi aventureux que participer à une excursion organisée par un voyagiste.
Non, moi j’ai choisi ma propre voie en y allant à l’instinct. J’ai déjà passé plusieurs mois à faire des relevés élémentaires pour dessiner une carte des Plexus d’une région. J’ai été ce médicastre chez qui des villageois apeurés venaient chercher des philtres salvateurs. J’ai déjà joué les médiateurs entre des factions en conflit larvé depuis la nuit des temps. Depuis que les voies romaines ont fait leur apparition, j’ai inlassablement parcouru ces territoires amalgamés par la politique en vue d’en faire un pays.
Mon Arcane, c’est le terroir, car je suis intimement persuadé que la sapience n’est pas faite pour prendre la poussière dans un musée parisien. Ce pays regorge de quêtes inaccomplies, de mystères qui attendent d’être révélés, de trésors oubliés… Mais encore faut-il prendre le temps de s’arrêter quelques instants et de regarder ces petites villes autrement que comme des pauses pipi sur l’autoroute.
Parce que j’ai longtemps parcouru la France de long en large, j’ai identifié des sites d’intérêt et des histoires dignes d’éveiller votre curiosité. Quand on y regarde bien, l’Hexagone se divise en plus de 500 régions naturelles, et il serait tout à fait possible de dédier un volume à chaque pays traditionnel tant ils sont tous riches en anecdotes et en traces d’un passé magique qui nous semble pourtant révolu. Mais plutôt que de faire un inventaire exhaustif, je me suis permis de sélectionner un lieu par département pour vous montrer que la province est un filon quasi inexploité en matière de sapience. Il suffit le plus souvent de s’arrêter sur la place d’un village et de bien observer les vestiges des temps anciens pour voir apparaître des symboles cachés parmi les stigmates de l’Histoire.
Si la carte n’est pas le territoire, alors le musée n’est pas l’Histoire.
Maître Jacques