Éditeur d’imaginaires depuis 30 ans
28 octobre 2025

Nous sommes de vent, la nouvelle de Jièm Mixcoatl pour Mné/Sys

Actualité
Mnesys ban

En 2025, Mnémos fête ses 30 ans et pour célébrer cet anniversaire, un concours de nouvelles de SF sur le thème de la mémoire ouvert aux primo-autrices et auteurs était organisé.
À l’occasion de la sortie de l’anthologie Mné/Sys, découvrez un de ces cinq nouveaux talents de l’imaginaire avec Jièm Mixcoatl !

Bonjour, Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en tant qu’auteur ?

Jièm Mixcoatl, je suis un homo sapiens de la génération X, né dans une ville moyenne d’un département rural. Ce n’était pas nécessairement prévu ainsi, mais j’ai un parcours qu’on qualifie d’atypique : archéologue, père au foyer, médiathécaire, enseignant, géomaticien… La vie surprend toujours ! D’un point de vue plus personnel, je suis aussi rôliste (sur table comme grandeur nature) et permaculteur.

L’écriture d’histoires de fiction a été chez moi l’aboutissement d’un lent processus. Jeune, par le jeu de rôle, j’ai commencé à écrire des scénarios, des personnages, des mondes. Cela a été ma première école. Plus tard, professionnellement, j’ai été amené à écrire des articles scientifiques dans des revues à comité de lecture, ou dans des actes de colloques. Cela a constitué une formation rigoureuse. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » m’ont répété mes mentors de l’époque. Plus tard, je me suis essayé à des textes courts d’auto-fictions. L’écriture d’un récit de science-fiction a longtemps été un impossible. L’histoire m’échappait toujours. Et puis les temps ont changé. À mesure que le monde évoluait, j’ai ressenti une certaine urgence à apporter ma petite pierre à l’édifice. L’époque, je pense, l’impose. Si mes lectures d’aujourd’hui, Damasio, Hegland, Chambers, Robinson et les autres m’ont convaincu de la nécessité d’ouvrir des possibles enthousiasmants, désirables, dans un futur semblant particulièrement fermé, il me manquait l’étincelle. La toute première idée d’intrigue m’a été soufflée dans l’oreille par ma première relectrice. Je n’ai ensuite plus lâché le clavier.

Comment avez-vous découvert les littératures de l’imaginaire et plus particulièrement la science-fiction ? Y a t-il une œuvre qui vous a marqué profondément ?

J’ai coutume de dire que je suis tombé dedans quand j’étais petit. Je dois beaucoup à mon grand frère. Nous avons une grande différence d’âge et j’avais cinq ou six ans lorsqu’il a quitté l’appartement familial pour un internat. Dans la chambre que nous partagions alors, trônait un véritable trésor. Une bibliothèque peuplée des grands de la science-fiction. J’ai commencé à piller cet oasis très jeune et à huit ou neuf ans, j’ai dévoré Dune et Fondation. Par la suite, j’ai continué de moi-même et c’est au collège qu’une professeure de français (je ne la remercierais jamais assez) m’a proposé Tolkien, par Bilbo d’abord, puis très vite Le Seigneur des Anneaux. Son univers et les valeurs humanistes qu’il portait ont été la bouée de sauvetage d’une adolescence perturbée. Plus tard, j’y ai trouvé des concordances avec des pensées plus politiques comme celle de la common decency d’Orwell ou les premiers livres de la philosophe Simone Weil.

Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes entré dans l’aventure Mné/Sys ?

D’abord parce que les éditions Mnémos était loin de m’être inconnues. J’y avais découvert des auteurs et autrices sublimes comme Justine Niogret ou Mathieu Gaborit. Lorsque j’ai vu l’annonce du concours et le thème choisi, il était évident pour moi que je devais y envoyer un texte.

Comment s’est passé l’écriture de votre nouvelle ?

Ce que je trouve le plus compliqué à élaborer, c’est l’intrigue. Je cherche à développer des histoires où l’usage de la violence n’est jamais une solution envisageable à un problème, ce qui pose une contrainte. Par contre, ces derniers temps j’écris dans le cadre d’un univers que je maîtrise bien. Une fois la trame de l’intrigue développée, ce sont les personnages qui vont jouer un rôle central. Je m’attache à les caractériser, à leur écrire une histoire qui va les rendre vivants. À partir de là, les choses deviennent naturelles. J’ai parfois la sensation que ce sont mes personnages qui me dictent l’histoire, ce n’est pas complètement faux d’ailleurs, car au moment de les écrire, je les incarne. Mon expérience dans le monde du jeu de rôle y est certainement pour beaucoup.

La mémoire est un vaste sujet. Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l’écrivant ?

La mémoire est en effet un sujet qui résonne chez moi tout particulièrement par un double atavisme. D’abord parce que je suis issu d’une famille aux générations longues. Trois générations suffisent à nous conduire à la guerre franco-prussienne. Nos histoires familiales s’inscrivent dans cette durée. Ensuite parce que les maladies liées à la mémoire en touchent particulièrement les membres. Cela n’a sans doute pas été étranger à mes choix de carrière. Si je devais faire passer un message sur ce sujet, c’est que la mémoire est ambivalente. On ne peut jamais lui faire confiance car notre cerveau réinvente mots et situations en permanence. Tous nos souvenir sont donc souvent faux ou à minima déformés. Mais ces mensonges sont performatifs. Ils créent le récit dans lequel notre être se construit et évolue. Nous modifions nos souvenirs en fonction de ce que nous sommes et nous sommes les souvenirs que nous nous réinventons. Nous sommes faits de récits.

Quelque chose que vous vouliez absolument aborder ?

Puisque j’en suis à évoquer l’aspect performatif du langage, je vais me permettre d’enfoncer le clou. Je suis intimement persuadé, que notre réalité d’aujourd’hui, pour désolante qu’elle soit sur bien des aspects, est la réalisation des récits auxquels nous avons, à notre corps défendant, adhérés. Je suis persuadé que changer de paradigme est absolument nécessaire si l’on veut s’autoriser collectivement un avenir… pas seulement un bel avenir mais un avenir tout court. Ce changement-là doit se faire avant tout sur le terrain du récit. C’est pourquoi je m’efforce à mon petit niveau d’ouvrir le champ du possible à des futurs désirables, à des récits positifs, et à des histoires et des personnages qui n’envisagent pas la violence (envers les gens comme avec le reste du vivant) comme une solution acceptable à un problème (oui, je suis assez fan du Docteur, aussi).

Les mots de la fin vous appartiennent, c’est à vous !

Puisque j’en suis à évoquer des récits positifs, je reprendrais les mots de Nicolas Bouvier (auteur de L‘usage du monde) que j’ai entendu dans la bouche de François Morel : « Moi, par-dessus tout, c’est la gaîté qui m’en impose ».

Jièm mixcoatl
Jièm Mixcoatl
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