Éditeur d’imaginaires depuis 30 ans
24 octobre 2025

BPU, la nouvelle de Clarissa J. Choi pour Mné/Sys

Actualité
Mnesys ban

En 2025, Mnémos fête ses 30 ans et pour célébrer cet anniversaire, un concours de nouvelles de SF sur le thème de la mémoire ouvert aux primo-autrices et auteurs était organisé.
À l’occasion de la sortie de l’anthologie Mné/Sys, découvrez un de ces cinq nouveaux talents de l’imaginaire avec Clarissa J. Choi !

Bonjour, Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en tant qu’autrice ?

Le besoin d’écrire est venu assez tôt chez moi, avant même l’adolescence, mais j’ai vite été convaincue que pour bien écrire, je devais à tout prix éviter de faire des études de lettres. Cela m’a mené un peu par hasard vers les mathématiques, un domaine finalement très créatif dans lequel ma soif d’abstraction y trouvait son compte. J’ai toujours exercé ma plume en privé, mais sans y chercher autre chose qu’un entraînement avant de me lancer vraiment. Aujourd’hui (et depuis peu), j’ai la chance d’avoir un poste stable dans le monde de la recherche de pointe. Mon heure a sonné : je prépare maintenant plusieurs romans sérieux (d’autres moins) pour ces prochaines années. 

Comment avez-vous découvert les littératures de l’imaginaire et plus particulièrement la science-fiction ? Y a t-il une œuvre qui vous a marqué profondément ?

Je suis quasiment rentrée en littérature par la science-fiction. J’avais 7 ans quand, par hasard, j’ai trouvé dans la bibliothèque de mon école primaire le livre Épaves de l’espace de Stewart Cowley : une série méconnue de livres d’images de science-fiction, traduites de la série américaine « TTA » (Terran Trade Authority). Je recommande à tout le monde cette série, une pure merveille d’iconographie de space-opera des années 80, avec une ambiance assez rétro-futuriste. Je regrette que personne n’ait souhaité les rééditer aujourd’hui en français : je projette, un jour, de le faire. Ces livres m’ont profondément fasciné et m’ont lancé vers la SF :  la même année j’ai lu Niourk, de Stephan Wul, également trouvé dans la même bibliothèque. Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était une révélation. Depuis, je n’ai jamais décroché de la science-fiction, et des littératures de l’imaginaire en général. Asimov, Tolkien, Pierre Bordage, Ursula Le Guin, Robin Hobb, Philip Pullman, Philip K. Dick, Lovecraft, j’ai lu tout cela très tôt, trop tôt peut-être – les séquelles furent irrémédiables.  Si les œuvres de Stephan Wul m’ont tant marquées, c’est peut-être parce que ce sont les premières que j’ai lues, mais peut-être aussi pour leur simplicité, leur naïveté charmante. Lovecraft, que j’ai découvert assez tard vers 14 ans, m’a radicalement déniaisée. J’ai retrouvé la même violence, des années après, en découvrant Huysmans, Yourcenar ou Flaubert, qui sont pour moi les sommets de la littérature. Aujourd’hui, je lis toujours énormément, de tous les styles possibles ; j’ai même un faible peu recommandable pour la romantasy. Mais mon domaine de prédilection reste la SF et la Fantasy ; le domaine s’est d’ailleurs profondément enrichi ces 20 dernières années en France. Il est indéniable que Jaworski, Lucazeau et Damasio, tous les trois dans des styles assez différents, ont produit des œuvres d’une ampleur considérable. Très récemment, j’ai apprécié découvrir Auriane Velten, publiée chez Mnemos. 

Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes entré dans l’aventure Mné/Sys ?

J’avais commis une nouvelle dont j’étais peu fière pour le concours précédent, celui de fantasy. Il fallait que je me rattrape ! 

Comment s’est passé l’écriture de votre nouvelle ?

Mal. Le scénario me trottait dans la tête depuis au moins un an, mais j’ai attendu le dernier moment pour écrire la nouvelle. Elle a été brutalement expulsée de mon corps en une quinzaine d’heures douloureuses, jusqu’à la dernière heure. Je n’ai pas eu le temps de faire autant de relectures que j’aurais voulu. Avec un peu plus de temps, j’aurais mieux travaillé la fin… Je pense a minima recommencer à développer l’idée dans un texte plus long, mêlant biopunk et cyberpunk, où les âmes des défunts mènent une révolte sans merci à l’intérieur même des réseaux de calculs des grands modèles d’IA. 

La mémoire est un vaste sujet. Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l’écrivant ? Quelque chose que vous vouliez absolument aborder ?

Ça n’est pas directement relié à la mémoire, mais je voulais aborder la question de désir de maternité. La science-fiction est un univers plutôt masculin qui s’est peu préoccupée de ces choses-là, et de tout ce qu’elles charrient. Quand on devient mère (ou père), les questions de transmission et d’héritage changent fondamentalement de nature pour nous : dans un monde aussi changeant que le nôtre, la question de la filiation, et de ce qui reste de nous après notre mort (où va le souvenir ?), est l’un des thèmes les plus complexes qui soient et que j’aime traiter.

Les mots de la fin vous appartiennent, c’est à vous !

Ma nouvelle parle des grands modèles d’intelligence artificielle. J’ai la chance, par mon métier, d’être en première ligne sur beaucoup de questions liées à ce domaine. Je crois que beaucoup de personnes sont dans le déni face à la puissance de ces technologies. Tout va changer. Pendant des dizaines de siècles, le savoir et l’érudition devaient composer avec la parcimonie des connaissances. Elles étaient rares, elles circulaient peu, leur accès était complexe et très genré. Cela a beaucoup changé depuis les 50 dernières années, mais les bouleversements qui se profilent sont sans commune mesure. La connaissance et la mémoire se déprécient chaque jour, tandis que la volonté et d’autres qualités humaines, comme l’empathie ou l’amour, redeviennent notre bien le plus précieux et le plus rare. Nous devrons toutes repenser intégralement notre rapport à l’enseignement, à la connaissance, à l’apprentissage, à l’écriture, à la pensée, et nous demander ce que nous ferons lorsque, dans un futur proche, nous aurons le choix d’interfacer nos tissus neuronaux avec des machines. Or, contrairement à un lieu commun répandu, les réponses apportées par la SF à ces questionnements n’ont pas toujours été pertinentes. Les développements modernes de l’IA n’ont rien à voir avec les robots d’Asimov ni au cybermonde de Neuromancien ni aux androïdes de P.K. Dick. Seuls Iain M. Banks et Ted Chiang, se démarquent à mon sens ; mais il est grands temps d’actualiser la SF, de renouer avec l’ambition débridée de l’âge d’or tout en y intégrant les affects modernes. Qui est motivée ?

Clarissa j. choi
Clarissa J. Choi
Autrice

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