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Christophe Guillemain nous parle de La Morsure des roses

La Morsure des Roses, votre nouveau roman paraît prochainement aux éditions Mnémos. Comment est-il né ?

Mon idée initiale était de décrire les efforts d’un personnage luttant pour échapper à son passé, au sein d’un monde ritualisé, soumis à une tyrannie absurde. Je voulais situer mon histoire dans le parc d’un château immense, un lieu qui évoque un univers miniature, chargé de symboles, l’espace clos d’un rêve, pour ainsi dire. Il m’a semblé naturel de planter le décor dans une sorte de Versailles fantasmé, car je trouve que c’est un lieu qui évoque bien la démesure et la folie des puissants.

L’univers de ce roman évoque la Renaissance, mais ici, il ne s’agit pas d’une Renaissance qui se contente de rappeler à sa mémoire les souvenirs du monde antique, car les choses du passé viennent visiter le présent, comme un songe qui deviendrait réalité.

Après la troupe de saltimbanques, le Cabinet des Merveilles de Todestre, mis en scène dans L’Enterrement des étoiles, vous vous penchez cette fois-ci sur le monde des dieux et plus particulièrement sur le destin des filles de l’un d’eux.
Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Il y a une continuité entre les thèmes abordés dans ces deux romans, que j’ai écrits pendant la même période. Dans L’Enterrement des étoiles, je décris le parcours de rédemption d’un tyran, son chemin de l’ombre vers la lumière. Ici, il est question des victimes du tyran, de leur lutte pour s’affranchir du passé. L’histoire tourne autour du destin de cinq sœurs, les filles illégitimes d’un dieu, une sorte de dieu olympien qui voyage entre les mondes. Certains des membres de cette sororie sont des immortelles, tandis que d’autres ne sont que de simples mortelles. Je m’intéresse plus particulièrement aux deux d’entre elles qui sont les plus humaines, Caelynn et Riveline, et à leurs efforts pour choisir leur destin après avoir quitté la montagne-prison de leur jeunesse. La cadette, Caelynn, qui a échoué à s’intégrer à la société, rejoint sa sœur Riveline, qui est devenue reine et attend un enfant. Accompagnée par un automate qui les servait autrefois, la plus jeune veut mettre en garde sa sœur contre la menace représentée par leurs ainées.

En filigrane, à mesure que Caelynn apprend la vérité sur sa famille, il est question du père, omniprésent et omnipotent…

Votre roman aborde des thématiques fortes (relations conflictuelles au sein d’une famille dysfonctionnelle…), vos personnages, tout en nuances, sont marginalisés. Qu’aviez-vous envie de dire, de traiter avec La Morsure des Roses ? Peut-on vraiment aller à l’encontre du fatum ?

Les cinq sœurs dont il est question essaient d’échapper aux règles absurdes de leur vie, chacune à leur manière. Certaines veulent conquérir ce dont elles ont été privées – ne serait-ce qu’un peu de libre-arbitre – tandis que d’autres sont revanchardes et aigries, parce qu’elles ne trouvent leur place nulle part… En-tout-cas, toutes sont prises dans un cycle de violence qu’il semble difficile d’arrêter, car leurs retrouvailles prennent la tournure d’un règlement de comptes… Apocalyptique.

Comment faire pour que les tragédies ne se reproduisent plus à l’identique, encore et encore ? J’ai l’impression que même si les causes de la violence sont connues, il est difficile de se défaire des mauvais instincts lorsque ces derniers deviennent une sorte de boussole. Dans La Morsure des Roses, la jeune Caelynn est entraînée dans une spirale de destruction et de haine, des enjeux à la fois familiaux et cosmiques qui la dépassent et qui l’empêchent de trouver un équilibre.

Ce père divin et destructeur n’est pas sans faire penser à Chronos (entre autres). Comment s’est déroulée la rédaction de votre roman ? Avez-vous des anecdotes à partager ?

Oui, le monde que je décris est une déclinaison du nôtre. J’ai glissé des indices permettant de comprendre qu’il s’agit d’une réalité parallèle, à peine plus infusée de magie. Ainsi, j’emprunte des éléments à la mythologie telle que nous la connaissons. La figure du père tyrannique évoque Chronos, ou Zeus, même s’il porte un nom différent dans ce roman.

J’ai fait ce choix, car en me penchant sur les aventures passionnelles du maître de l’Olympe, celui-ci m’est apparu comme étant ni plus ni moins qu’un prédateur guidé par ses bas instincts. La mythologie regorge de dieux qui ne sont finalement que des humains bouffis de pouvoir, qui agissent en toute impunité.

Et vous ? Si vous deviez choisir un dieu ou une déesse tutélaire, pour qui opteriez-vous ?

À mes yeux, les dieux de la mythologie sont rarement sympathiques, mais c’est aussi cette part d’humanité qui les rend intéressants. Pour choisir un dieu tutélaire, je crois que je leur préférerais leurs versions plus cools dans certains films ou mangas !

S’il fallait désigner celui qui me vient en tête en premier lieu, je dirais Pan. C’est assez contradictoire avec ce que je viens de dire sur les dieux, mais je trouve que l’histoire de sa jeunesse est touchante. À cause de sa laideur, sa mère l’a abandonné, condamné à l’exil parmi les mortels. Il raconte quelque chose de notre histoire, car il symbolise la fin du paganisme antique, ses attributs étant ensuite devenus ceux des démons du christianisme.

Et puis, bon, je le choisis peut-être aussi à cause d’Arthur Machen et de Guillermo Del Toro…

Un mot pour finir ?

Je dirais tout d’abord que c’est un récit en dehors de l’espace et du temps. Même s’il est très circonscrit d’un point de vue géographique, j’ai essayé d’en faire un roman dont les contours sont flous, comme dans un rêve.

De même, il se situe à la croisée des genres, car il emprunte des éléments à la Dark Fantasy, mais aussi aux contes, et même d’une certaine manière au théâtre, avec des scènes où les protagonistes entrent et sortent comme si le public des lecteurs assistait à leur ballet.

Pour finir, je dirais « baroque », dans le sens où il aborde les thèmes de l’instabilité, des apparences, ou de la mort.

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Christophe Guillemain

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