Le 17 mai a eu lieu la remise des trophées du Grand Prix de l’Imaginaire. Kevin Deneufchatel en est un des lauréats avec le prix Wojtek Siudmak pour la réalisation de la couverture des Nefs de Pangée de Christian Chavassieux et plus largement de toute l’identité graphique du label Mu. Il répond ici à nos questions.
Vous venez de recevoir le Grand Prix de l’Imaginaire pour la couverture des Nefs de Pangée de Christian Chavassieux et plus largement pour toute la charte graphique du label Mu chez Mnémos. Quel effet cela vous fait-il d’être ainsi reconnu ?
C’est la première fois que je gagne un prix sans qu’on ne me demande de payer quelque chose en retour !
En tout cas, je suis vraiment heureux de ce prix, d’autant plus qu’il récompense une partie de mon travail que je préfère : la réalisation de couvertures.
Celles du label Mu sont mes favorites. C’est un vrai plaisir de les imaginer, les dessiner et les illustrer depuis cinq ans, et surtout de collaborer avec Davy Athuil.
C’est une vraie chance et aussi une forme de reconnaissance importante dans un milieu où les illustrateurs sont souvent dans l’ombre. J’en suis vraiment heureux et fier.
Vous réalisez, et c’est la raison du prix que vous venez de recevoir, des illustrations uniques et reconnaissables pour les romans sur lesquels vous travaillez chez Mu. Quelles sont vos influences ? Y a-t-il des artistes qui vous ont inspiré ?
Pour les ambiances colorées et les cadrages, je suis très influencé par Edward Hopper, notamment par ses illustrations pour des journaux et publicités, avant qu’il ne devienne peintre. Bien sûr, il y a aussi Ralph McQuarrie, les univers de science-fiction et les mondes étranges de Moebius et Métal Hurlant, et des inspirations japonaises comme Katsuhiro Otomo, Yukito Kishiro et Akira Toriyama. Tout ce qui touche à la SF, la dark fantasy ou les imaginaires pop nourrit mon travail. Et mes contemporain comme Crushiform, Haxloeffler, Laurent Durieux, Karolis Strauniekas et bien d’autres…
Et puisque nous parlons d’inspirations, pour les illustrateurs en herbe qui voudraient se professionnaliser, pouvez-nous parler également de votre parcours et de votre quotidien ?
Mon parcours est plutôt chaotique. J’étais moyen, voire mauvais à l’école, ce qui m’a mené vers une filière professionnelle en électrotechnique, où j’ai obtenu un BEP… qui ne me sert pas à grand-chose aujourd’hui.
À 18 ans, je me suis réorienté vers une école de communication en alternance, le CFAcom de Bagnolet. J’y ai découvert une nouvelle passion : le graphisme. Les règles de couleur, de composition et de typographie sont devenues mon terrain de jeu, bien plus stimulant que les câbles triphasés !
J’y ai passé mon CAP, mon bac pro, mon BTS, puis une licence. Ensuite, j’ai travaillé six ans en agence de communication. Puis j’ai fait une crise de la trentaine : je ne supportais plus d’être exploité.
J’ai donc monté un book d’illustration et commencé à démarcher des agences, des magazines, des maisons d’édition. Au bout de trois mois, j’ai eu ma première commande. Dans l’euphorie, j’ai démissionné et commencé ma vie de mercenaire de l’illustration !
La collaboration avec Mnémos a débuté en 2020, aviez-vous déjà travaillé pour des maisons d’édition avant ? Comment cette « rencontre » s’est-elle faite ?
Avant Mnémos, j’ai travaillé pour une petite maison d’édition belge, mais ce fut une mauvaise expérience : on ne se comprenait pas, la communication était compliquée.
Cela m’a un peu refroidi sur le monde de l’édition… jusqu’à Mu. J’ai contacté Mnémos et Frédéric Weil m’a redirigé vers le label Mu qu’il codirige, et la magie a commencé.
Avec Davy, le courant est tout de suite passé. J’adore discuter et échanger avec lui, c’est un puits de savoir et de culture (NDÉ : si seulement…). Franchement, on devrait tous avoir un Davy comme client. (rires)
Après plus d’une vingtaine de couvertures réalisées pour le label Mu, pouvez-vous nous dire comment vous travaillez sur celles-ci ? Comment naissent les idées et leur réalisation ?
Aujourd’hui, le processus est bien rodé. J’ai une visioconférence d’environ une heure avec Davy comme intermédiaire de l’équipe de Mnémos, qui me « pitche » l’histoire, ou même me la raconte entièrement, en me décrivant l’ambiance, la texture du récit…
Cela m’aide à visualiser des images, des couleurs. Je lui partage alors mes premières idées visuelles, ou il m’en propose si je suis en panne d’inspiration. Si l’auteur ou Frédéric ont des recommandations, Davy me les transmet.
À partir de là, on s’accorde sur une ou plusieurs pistes. Je fais des recherches visuels, photo, inspiration chromatique, je réalise alors un à trois crayonnés selon l’inspiration. On échange ensuite, on affine, puis, une fois le croquis validé, je propose une ambiance colorée (entre une et quatre versions).
Une fois qu’on est d’accord, je me lance dans l’illustration finale… et c’est là que je m’amuse. (rires)
Ce que j’apprécie le plus, c’est la liberté qu’on me laisse pour proposer mes idées, tout en ayant un vrai dialogue artistique.
Question difficile entre toutes, si vous deviez choisir trois illustrations parmi celles réalisées pour le label Mu, lesquelles seraient-elles ? Et pourquoi ?
Arf c’est dur… Je les aime toutes !
Volna – Après le blackout de Christophe Siébert. J’adore le singe sur la couverture ! Je me suis éclaté à le réaliser le singe, même si j’ai eu un mal fou à dessiner ses pattes arrière.
Sous la lune brisée d’Anne-Claire Doly. J’aime énormément l’ambiance crépusculaire et les couleurs pastel, à la fois douces et contrastées.
Les Oiseaux du temps d’Amal El-Mohtar & Max Gladstone. C’est ma préférée, tout simplement. Je ne ferai jamais mieux. Ma carrière est terminée !
Un dernier mot pour la fin ?
Merci à Mnémos, à Mu, à Frédéric et à Davy.