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En mai, vivez une aventure humaine tissée de batailles et de magie avec Le Solstice des ombres de Benjamin Lupu !

Fresque âpre aux couleurs de l’apocalypse, découvrez Sœurs de haine, premier volet du Solstice des ombres, de Benjmin Lupu et plongez au cœur d’une aventure pleine de batailles, de secrets occultes, de magie mais aussi de fraternité et de courage !

Sœurs de haine, premier volet de votre duologie Le Solstice des ombres, paraît prochainement. Comment est-il né ?

Après Le Grand Jeu, qui était un roman d’espionnage et d’aventure, j’ai eu envie de m’attaquer à quelque chose qui tenait plus de la tragédie. Pour moi, cela évoque les mythes grecs antiques, mais aussi les manigances des familles régnantes d’Europe et d’ailleurs – souvent sanglantes et impitoyables. J’avais aussi depuis longtemps en tête de réutiliser l’ambiance visuelle sombre et mystique de l’adaptation du Nom de la rose de 1986 par Jean-Jacques Annaud. Mon intérêt s’est alors tourné vers les hérésies chrétiennes du XIVe et XVe siècles et les guerres de religion en France et dans le Saint-Empire romain germanique au XVIe siècle. Ces périodes sont tourmentées, mais ce sont aussi des moments intellectuels lumineux avec Érasme, Rabelais, Montaigne et bien sûr, Ronsard.

Ça, c’est pour l’aspect réflexion, le terreau, car Le Solstice des ombres est bien une fantasy assumée et non un roman historique, avec notamment la présence du surnaturel – je ne dis pas magie car vous l’aurez compris, la religion y tient une place centrale – et un monde totalement imaginaire.

De quoi cela parle-t-il ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Vu de haut, le Solstice des ombres raconte le point de bascule d’une guerre de religion appelée Le Chemin des larmes. On y suit l’affrontement sans merci entre deux courants du culte d’Asthor, dieu solaire et justicier. En coulisse, cette guerre recoupe les ambitions, les alliances et les trahisons de puissantes familles nobles.

Mais le récit est à hauteur d’Homme. Le cadre est la guerre, mais le sujet est le destin et les choix de personnages qui ne font pas partie du cercle des puissants.

On y retrouve un jeune moine enlumineur qui quitte son monastère pour la première fois, un ancien soldat devenu frère lai par dégoût des tueries, une guerrière esclave au service d’une baronne et un chevalier tiraillé entre son serment de loyauté et les manigances de son suzerain.

Et puis, sans pouvoir en dire beaucoup plus, la magie y joue un rôle particulier. C’est le mystère du Solstice des ombres.

Au début du roman, on voyage avec Umbrod – le jeune enlumineur – qui s’est joint au convoi d’une puissante baronne pour se rendre à la cité sainte de Canaé où le nouveau porteur d’une relique doit être intronisé lors du solstice d’été. Sur la route, ils sont attaqués par une troupe dépenaillée d’hérétiques et Umbrod, ainsi que la baronne, sont faits prisonniers. Ils ne le savent pas encore, mais c’est le tournant du Chemin des larmes.

Avec Sœurs de haine, vous campez des personnages puissants mais également tourmentés. Comment les avez-vous créé ? Aviez-vous une idée bien précise d’eux ou se sont-ils construit au fil de l’écriture ?

« Puissants » peut avoir deux significations : « puissants » car titulaires du pouvoir politique et religieux, mais aussi « puissants » par leurs actes qui vont à l’encontre de là où la guerre les emporte. Mes personnages sont caractérisés par des traits forts, qualités ou défauts, au moment de leur conception. Balcère était dès l’origine cet homme bon qui doute et s’en est remis à la religion pour échapper aux massacres qu’il devait commettre ; Tériane, une guerrière accomplie et farouche, mais asservie depuis l’enfance, etc.

C’est aussi le cas des antagonistes. Grémal justifie ses actions par ce qui s’est passé dans les jardins de l’Asthériom. Il est rongé par une culpabilité qui transforme sa foi en un fanatisme violent.

Ces traits primitifs me servent de guides lorsque les différents personnages affrontent les situations des romans et interagissent. Vont-ils s’y soumettre ou se dépasser ? Vont-ils échapper au fatum ? C’est tout l’art de la tragédie.

La haine, la vengeance…sont des sentiments violents et extrêmement négatifs. Est-ce difficile à décrire ou au contraire assez simple ?

Il y a un côté facile à manier des émotions négatives brutes. Elles choquent, révulsent et suscitent la colère ou une fascination malsaine. Il s’y trouve un emportement instinctif. Mon défi a été de préserver l’humanité des protagonistes comme des antagonistes, de ne pas les rendre hideux et caricaturaux au point de dégoûter les lecteurs. Même si j’ai conscience que les vrais monstres existent, j’espère faire comprendre les ressorts de mes personnages. Ceci dit, j’aimerais aussi rassurer : l’histoire a un contrepoint lumineux fait d’amour, de courage et même de drôlerie car nous sommes ainsi faits.

Une chose qui me tient à cœur : même si c’est le propre de la dark fantasy d’explorer les facettes sombres de l’humanité, je n’en ai pas adopté le cynisme. C’est quelque chose qui m’est étranger et qui, je trouve, sous couvert de distanciation, est un évitement.

Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier ?

J’ai surtout fait un travail de création d’univers. J’aime que mes histoires soient portées par des univers fouillés dont se dégagent de vraies personnalités. Chez moi, ça passe par une certaine densité et une immersion via les détails, le vocabulaire, etc. Il y a une notion de voyage imaginaire.

La fantasy classique puise dans les mythes et les cultures anciennes. C’est le cas du Solstice des ombres avec son ambiance entre médiéval et âge du bronze. Comme pour mes romans précédant de fantasy – je pense aux Mystères de Kioshe, notamment – mon patchwork imaginaire tend vers le Moyen-Orient, l’Asie mineure et la vallée de l’Indus.

Les enluminures jouent un rôle important dans l’histoire au travers du personnage d’Umbrod. Là, j’ai dû faire des recherches sur les techniques de cet art magnifique (magique ?). Je pense par exemple au sublime Livre de Kells, trésor de l’Irlande.

Pour la religion asthoréenne, sa mythologie et ses institutions, il fallait que je trouve un concept fort et fécond en symbolique. Le jeu entre la lumière et l’ombre s’est vite imposé. Ensuite, j’ai fait appel à mes connaissances historiques sur les religions antiques et chrétiennes.

Il fallait aussi que je trouve une intrigue familiale qui puisse faire naître la tragédie, quelque chose d’aussi universel que possible. Là, il y a malheureusement pléthore d’inspirations dans l’Histoire, des intrigues de l’impératrice Wu Zetian aux luttes fratricides de la cour ottomane ou, bien sûr, les déchirements des Guerres de religion en France. Cependant, il n’y a pas de pompe dans le Solstice des ombres, ce n’est pas un péplum. C’est plus resserré, plus intime. L’adaptation de la Reine Margot de Patrice Chéreau (1994) m’avait beaucoup marqué en la matière (ainsi que pour la folie de ses personnages).

Enfin, je l’ai signalé dans les remerciements du livre, la musique compte beaucoup quand j’écris. Donc pour la BO, il faudrait recruter Marcin Przybyłowicz, s’il vous plaît. (Le compositeur de la bande son de The Witcher 3 : Wild Hunt.)

Deux sœurs, deux royaumes à feu et à sang… Aviez-vous envie d’aborder des sujets en particulier avec Le Solstice des ombres ?

Le Solstice des ombres est une tragédie et donc son thème central est le fatum, que j’assimile au déterminisme et au fatalisme. La lutte entre plusieurs familles est un trope classique du genre. Mais, s’il y avait un thème, je retiendrais celui de la résistance (à la violence, les conventions sociales, la servitude, etc.).

Je dois sans doute souligner ici que bien que la religion soit au cœur du récit, elle n’est pas son thème. Elle sert de cadre et de moteur narratif. La foi est un fondamental culturel pour les personnages, mais ce n’est pas l’objet des romans.

Et si… Le Solstice des ombres devait être porté à l’écran, qui imaginez-vous dans les rôles principaux ?

Je vais avoir beaucoup de mal à répondre à cette question car je ne visualise pas les personnages si ce n’est à travers quelques traits distinctifs (une coiffure, une cicatrice, un tic, etc.). C’est aussi le cas quand je lis.

Néanmoins, la plupart des personnages du Solstice des ombres appartiennent au peuple hyrdrian, des envahisseurs de la mer venus de l’est. Lorsqu’il m’arrive de les décrire, ils ont une apparence méditerranéenne, d’Afrique du nord, voire persane. Je ne peux pas être beaucoup plus précis. Ça me fait penser qu’un acteur comme Moussa Maaskri pourrait être très bien dans le rôle de Balcère par exemple. Peut-être, Tahar Rahim ou Vincent Elbaz pour Avar Héskarias ou Hiam Abbas pour Ésphirène Achantar’vi ? Je ne connais pas assez les cinéma turque, iranien, égyptien ou indien, mais je suis certain qu’il y aurait des acteurs et des actrices formidables. C’est d’ailleurs une des forces de l’adaptation du Nom de la rose, un casting mémorable. À bien y réfléchir, le défi serait d’incarner la folie de la Veuve misère et ses filles ou même dame Fer-et-sang. Je me demande si Marion Cotillard, pour Séfine et Nérisse, ne pourrait pas faire ce travail de transformation ? Les personnages naskens, notamment Tériane, évoquent plutôt des Slaves ou des Scandinaves, et le nom Milla Jovovich me vient à l’esprit. Elle a une personnalité très forte à l’écran.

Maintenant que l’aventure est en route, avez-vous un personnage préféré ? Pourquoi ?
Est-ce celui qui vous a le plus surpris ?

Pour ce premier tome, je dirais sans hésiter, Balcère, l’ancien soldat devenu frère lai, car il incarne une résilience qu’on retrouve par exemple chez Sam dans Le Seigneur des anneaux.

Trois mots pour la fin ?

Beau voyage sombre.

Benjamin Lupu

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